« La mobilisation générale est déclarée »
Lorsque Jacques Henri Lartigue apprend que la guerre est déclarée en août 1914, il est en vacances dans la propriété familiale de Rouzat, entouré de ses proches. Exemptés, son frère Zissou et lui ne sont pas immédiatement inquiétés par cette annonce. La vie à Rouzat se poursuit donc normalement ; toute la famille travaille ainsi au film réalisé par Jacques, Le Bandit et la fée Améliot. La guerre, est, tout au plus, une ombre qui plane, susceptible de troubler la tranquillité des dernières journées de l’été, mais elle ne prend pas de véritable consistance dans l’esprit du photographe : elle reste toujours quelque chose de très abstrait, comme une partie de cartes qui se jouerait à côté de lui et qu’il suivrait distraitement. Sa trop grande sensibilité, son ingénuité semblent en effet l’empêcher de concevoir l’horreur des champs de bataille.
Jusqu’à juin 1917, Lartigue consigne dans son agenda tous les faits de sa journée, heure par heure. Il l’arrête brutalement, puis le reprend en décembre de la même année, pour raconter les aventures amoureuses qui se sont jouées entre Mary, Jean Dary et lui. Lorsque Lartigue retourne à son agenda en décembre 1917, c’est avec un style beaucoup plus libre et personnel qu’auparavant. La période 1914-1918 marque donc un tournant dans la construction du jeune Jacques ; si l’âge entre évidemment en compte, il ne faut pas oublier les agitations intérieures liées à la guerre, notamment la peur et la culpabilité.
Note : L’étude de l’œuvre de Jacques Henri Lartigue amène à se pencher sur trois sources différentes : ses albums photographiques ; ses agendas, dans lesquels il consignait tous les soirs ses activités de la journée (de 1911 à 1919) ; son journal, écrit plus tard, sous forme de feuilles volantes.
Wanda Woloszyn